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Faire revivre le patrimoine ancien en harmonie avec l’urbanisme contemporain

maison Gérard Philipe

Michel Calvino

Cergy n’a pas gardé de souvenir visible de ses origines gallo-romaines pourtant inscrites, selon certains, dans son nom latin « Sergiacum » qui pourrait vouloir dire domaine de Sergius, Général romain. Mais les vieilles pierres et monuments divers, traces de son histoire ancienne, ne manquent pas sur son territoire.

Certaines légendes en témoignent. Ainsi Gargantua, séduit involontairement par le site de la boucle de l’Oise, aurait du haut de la colline de l’Hautil jeté son pavé qui échoua sur les coteaux de Cergy, sous la forme du menhir de Gency, toujours visible non loin de la maison Gérard Philipe, autre témoignage remarquable de notre histoire récente.

Le charme du vieux village et de son église bâtie au cours des siècles n’a pas échappé à Paul Fort qui parle de « Cergy dont l’église abaisse les deux ailes de son haut toit jusques en terre, jusqu’aux tombeaux, et de leur envergure pourrait cacher le ciel, si les toits écoutaient le conseil des oiseaux » dans « Ballades Françaises » en 1924.

La ville nouvelle, héritage du siècle dernier, toujours en développement aujourd’hui, a voulu dès l’origine de sa conception, préserver et valoriser les grandes lignes de son site remarquable en épousant l’amphithéâtre naturel autour du méandre que décrit l’Oise avant de se jeter dans la Seine.

Ancré au milieu de ce paysage, l’Axe Majeur constitue un trait d’union entre urbanité et nature. En franchissant l’Oise, il relie les quartiers d’habitation récents implantés sur le plateau et les étangs de l’Ile de Loisirs au centre de la boucle. C’est à la fois un parc, un lieu de vie et de rassemblement au cœur de la cité, une œuvre artistique, un parcours urbain et paysager qui continue de se construire.

Habitant la commune depuis les années 70, passionné de l’histoire des villes et de l’urbanisme pour des motifs tant personnels que professionnels, j’ai appris à connaître et à apprécier Cergy, ville-paysage par excellence, riche de son patrimoine historique et contemporain, lieu de créations et de manifestations culturelles foisonnantes.

Aussi je me réjouis que le Fonds de dotation pour la culture et le patrimoine puisse offrir la possibilité de faire revivre le patrimoine ancien de Cergy en harmonie avec son site naturel paysager et son urbanisme moderne. Il doit contribuer à l’épanouissement et au développement de la création culturelle sous toutes ses formes au sein même de ce patrimoine revalorisé. En associant la participation des acteurs, l’engagement et le rayonnement artistiques, le Fonds permet aussi de fédérer les diverses parties prenantes de la ville, habitants, associations, entreprises, agents économiques et financiers, organismes culturels et pédagogiques... autour de valeurs partagées qui forment la citoyenneté d’aujourd’hui et de demain.

 

Pour illustrer mon propos, voici deux citations en hommage aux concepteurs.

Dani Karavan, invité par les urbanistes de Cergy-Pontoise à dessiner l'Axe Majeur sur les traces qu'ils avaient définies, place l’homme au cœur de l’engagement artistique, il décrit sa propre création comme «un travail avec le visible et l’invisible, avec la matière sensible, la mémoire et la conscience personnelles et historiques... En développant un parcours, une promenade, l’homme découvre l’œuvre. Ce n’est pas l’œuvre qui préexiste et un spectateur qui la regarde. C’est un travail pour des hommes afin de les inviter à dialoguer avec l’environnement, avec les matériaux et avec eux-mêmes » (Citation tirée de l’ouvrage « Penser la ville par l’art contemporain » aux Editions de La Villette, collection Projet Urbain)

 

Enfin, un clin d’œil aux « maçons-urbanistes » concepteurs de la ville: une des rues de la ville nouvelle à proximité de l’Axe Majeur, s’appelle rue des maçons de lumières en hommage aux maçons d’ombres dont parle Jean Giono dans son roman Que ma joie demeure : « On a l’impression, qu’au fond, les hommes ne savent pas exactement ce qu’ils font. Ils bâtissent avec des pierres et ils ne voient pas que chacun de leur geste pour poser la pierre dans le mortier est accompagné d’une ombre de geste qui pose une ombre de pierre dans une ombre de mortier. Et c’est la bâtisse d’ombre qui compte...  Il y a des maçons d’ombres qui ne se soucient pas de bâtir des maisons, mais qui construisent de grands pays mieux que le Monde. » Les urbanistes qui ont ainsi baptisé cette modeste rue ont voulu mettre en lumière la permanence du lien entre les bâtisseurs de villes au cours des siècles, fut-ce  dans l’ombre.